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les fanfics d'Aë

Je, Vlad Tepes (OS)

3 Août 2014 , Rédigé par Aësälys Publié dans #Histoires originales, #Aësälys

Je, Vlad Tepes

Calice : Nom donné à la coupe qui reçut le sang du christ. Dans les légendes, le calice est un être humain qui offre son sang à un vampire, contre des avantages. Plus précisément, c’est une relation à trois niveaux : l’être humain donne quelque chose au vampire (son sang), le vampire donne quelque chose à l’humain (argent, terres, soins,…) et ils s’offrent mutuellement quelque chose (relation amoureuse, sexuelle, amicale). Le vieillissement de l’être humain est suspendu lorsqu’il devient le calice du vampire, et reprend son cours normal à la mort de celui-ci, ou lorsque les deux êtres se séparent.

26 novembre 1438

Je m’appelle Vlad, comme mon père. Mon père est un guerrier, un chef guerrier, un voïvode. Celui qui naît n’est pas mon frère. Celle qui m’a eue en elle est morte, Père a repris une épouse. Celui-là est son fils. Mon père ne veut pas l’appeler comme lui. Je suis à son image, yeux d’émeraude aux éclats de sable, cheveux noirs, une belle nuit d’hiver comme celle qui m’a vu naître, peau blanche, le tapis de neige de cette nuit est resté en moi. Je suis à l’image de père, mais ne ferai pas comme lui. Lassé de sa seconde femme, père a pris une exaspérante concubine, Catuna, à qui il passe tous les caprices. Je veux accomplir plus, conquérir, combattre. Le second fils est né. Père approche, observe son dernier rejeton, le nomme Radu, et part, désintéressé.

4 mars 1442

La voiture à cheval avance péniblement sur le chemin boueux. La nourrice, avec sa robe bleue et grise, ses chausses noires, son panier plein de fruits et sa généreuse poitrine, surveille Radu du coin de l’œil pendant que le hussard qui porte une croix stylisée sur une longue chaîne use de ses charmes pour la séduire. Il sourit, joue du volume de ses muscles, de ses belles mains et de ses bras musclés. Elle minaude, lui sourit en retour, fait la prude, mais ce soir, elle ne veillera pas sur mon frère, elle sera avec cet homme, contre cet homme, et demain matin elle reviendra avec du miel et du pain blanc pour acheter notre silence. Tant qu’il y a du miel, elle peut faire ce qu’elle veut de ses atouts.

22 juillet 1448

J’ai seize ans et Mustafa Hanan a fait confiance à cet enfant semblant homme. Il a confié à Vlad Tepes Dracula une cavalerie et des fantassins. Nous faisons marche vers le nord. Je rentre seul au pays. Radu est resté au palais. Il préfère Mehmed à son frère, à sa patrie.

Nous sommes à Targoviste et Père est mort. Ils ont torturé mon frère, l’ont enterré vivant, et ont tué Père. Je les tuerai un à un, les égorgerai, les empalerai, les éventrerai, et quand la terre sera repue de leur sang, quand mon envie déchirante d’éliminer ceux qui ont tué mon père sera repue de leur sang, je brûlerai dans un bûcher l’immensité du charnier de leurs corps.

23 février 1459

Les idiots ont voulu me remplacer par le fils illégitime de mon père, Vlad « le moine ». Un nom amusant, pour un fils de putain. La multitude de leurs corps pourris à présent sur des pals. Matthias Corvin, roi de Hongrie, m’a ordonné d’arrêter ce massacre. Ne faut-il pourtant pas que je protège mon trône ?

Dimanche de Pâques 1459

Je les ai invités. Ils ont fêté le christ. J’ai fait empaler les plus vieux. J’ai emmené les autres, en marche forcée, jusqu’à Poenari. Les vivants ont construit ma forteresse sur les ruines d’un avant-poste. J’ai une nouvelle noblesse, issue des bourgeois. La fenêtre étroite de ma nouvelle chambre me donne une vue imprenable sur l’eau de l’Arges. Père est vengé.

26 Décembre 1460

Je suis né il y a vingt-neuf ans, jour pour jour. Je m’ennuie. J’ai vingt-neuf ans et ne me suis pas battu depuis presque quatre ans, moi que le choc de l’acier sur son semblable ravi, moi que le choc de l’acier sur les chairs et au travers des os transporte d’extase.

La jeune femme rencontrée ce matin reste gravée en moi. Elle est en moi, et ne veut pas me quitter. Je prie le Ciel pour la première fois, espérant que son ombre cessera de me poursuivre.

31 Janvier 1462

J’ai envoyé mes troupes au sud, contre celles du sultan. L’armée adverse, trois fois plus importante que la mienne, nous a envoyés à Targoviste. J’ai profité de nos quelques jours d’avance pour préparer une petite surprise aux musulmans. Une seconde « immensité » est sur le point d’être découverte.

16 février 1462

L’amant de Radu est retourné à Istanbul lorsqu’il a vu le cadeau que je lui avais préparé : une forêt de pals, une forêt de vingt mille arbres.

16 Novembre 1462

Radu a le trône depuis août. Ma prison est grise, mais chauffée, et je bénéficie d’un traitement de faveur permanent, mon frère et mon roi y ont veillé.

La jeune femme occupe mes pensées. Lorsqu’elle devient trop présente, mon envie m’envahit. Je cherche à l’étouffer par tous les moyens qui sont à ma disposition, mais aucun ne me satisfait réellement. L’alcool et la viande me calment, mais une présence, une brûlure reste.

29 Novembre 1472

Matthias a envoyé une femme à ma prison, et m’a dit de l’épouser pour être libéré. Mon mariage est célébré dans la cellule. Je ne vois pas son visage, je n’entends pas sa voix. Puis je sors. Elle s’approche. « Bonjour, Vlad Tepes Dracula. Me reconnais-tu ? »

Je vois son visage blanc, ses pommettes, sa gorge, elle est enveloppée dans une longue robe brune et dans une cape noire dont la capuche cache ses cheveux. Elle tire une chaîne de sous sa robe. « C’est ta croix. Ne t’en sépare pas. Baisse-toi. »

J’obéis à une femme pour la première fois. Elle passe la longue chaîne autour de ma gorge. Elle me tend une cape grise.

« Puis-je…

-Tes questions attendront, Vlad. Pour l’instant, on part. Couvre-toi, il neige. »

30 Novembre 1472

J’ouvre les yeux sur un plafond de pierres grises, je suis à demi nu, dans des draps de coton, qui se révèlent être blancs, comme est blanche la femme qui dort à mes cotés. Une image de l’innocence est dans ce lit, contre moi, et seigneur, cette image de l’innocence est fermement agrippée à mon corps, m’empêchant de bouger. Vêtue d’une simple tunique blanche, elle ne semble pas craindre l’ancien chef guerrier qui est à ses cotés. Une chaîne d’argent orne sa gorge, et ce détail me fait faire le rapprochement entre elle et ma nouvelle femme.

Et l’innocence se meut. Une petite créature blanche, belle, belle et froide, ses mains de glace sont sur moi, sur mon torse, puis elles montent à ma gorge et cherchent. Elles saisissent la chaîne d’argent, cherchent la croix et l’innocence parle. « Bien, tu l’as gardée. »

L’innocence ouvre ses yeux, et redevient la jeune femme qui hantait mon âme de guerrier et qui a fini par m’épouser. J’observe la pièce. Un tapis, un coffre, une table, des chaises, et le lit. Elle se redresse, se lève du lit, pose ses pieds au sol, délicatement, comme si les pierres taillées pouvaient ressentir le choc de son poids, tente un pas. Elle attrape un pichet de vin et boit à même. La voir boire l’alcool rouge réveille mon désir. « Vous ne perdez pas de temps, cher époux. Mais ça devra attendre, je suis trop fatiguée. As-tu des questions, Vlad ? »

Je regarde sa nuque, son absence de décence, pour l’instant caractérisée par un décolleté de putain et ses jambes largement découvertes. Une multitude de questions m’assaillent, mais la plupart ne sont pas importantes. Je trie, puis parle :

« Qui es-tu ? »

Un léger sourire apparaît sur ses lèvres.

« Je suis un calice. Tu as lu la bible ? Le calice a recueilli le sang du christ. Boire dans ce calice offre la vie éternelle. Pour que ça marche, il te faut l’envie. Et tu l’as, Vlad. Après c’est à toi de voir.

-De voir quoi ? Si je veux la vie éternelle ?

-Oui. Mais pour ça il faudra que tu boives du sang. Le mien, ou celui d’autres. Cela dépendra de tes envies. De toute façon, tu le sens. C’est comme faire l’amour à une femme que l’on aime et à une femme que l’on n’apprécie pas. La différence est la même. Vlad, si tu veux que je sois ton calice, il faudra aussi que je te plaise.

-L’innocence, tu es belle. En tout cas, tu me plais.

-Innocence ? Je suis tout sauf innocente. Je n’agis que par profit, intérêt ou envie. Le désir est mon moteur.

-Comment se fait il que tu sois ma femme ? Pourquoi Matthias t’as-t-il choisie ? »

L’innocence sourit, et ne répond que par un « J’ai manigancé. ».

« Dis-moi quel est le désir que j’ai pour toi. Ce n’est pas sexuel, ce n’est pas un sentiment, c’est une envie bestiale, viscérale, profonde, complète, je ne veux pas ton corps ou ton cœur, je te veux entière, complète.

- Etes-vous en forme, cher époux ? Je suis prête à combler votre désir. »

Elle approche, fine et blanche, belle et froide. Elle saisit mon épaule de sa main gauche, ma nuque de sa main droite. Elle accompagne ma mâchoire vers sa gorge. « Croque, Vlad.» Je ne me fais pas prier.

26 Décembre 1476

« Vlad, il est temps.

-Oui. Les musulmans veulent ma mort. Matthias t’a demandé de me faire passer pour mort et t’a donné des os à mettre dans mon tombeau. Et moi… Et moi, je me suis battu pour acquérir et garder le trône de Valachie, et il ne m’est plus rien. J’ai tué et fait tuer des milliers d’hommes et de femmes, j’ai empalé, écorché, éventré, et à présent je suis désabusé, comme lassé de mes actes et de ma vie. Il n’y a plus qu’une chose qui compte à présent : toi. Et à présent, la seule femme qui ai jamais compté pour moi va me tuer sur ordre officiel de Matthias Corvin, et va remettre ma tête au sultan ottoman, et sera accueillie comme une reine.

-Au revoir, Vlad. »

Elle insère le poignard dans mon cœur. La douleur est présente, mais je l’oublie en me remémorant le goût du sang de mon calice. Encore vivant malgré ma tête qu’elle sépare de mon corps, je sens le contact du hêtre de mon cercueil contre mes mains. Ma belle et blanche innocence se penche sur moi et embrasse mon front. Elle se redresse et ferme le couvercle.

26 décembre 20XX

Tes hanches se sont immobilisées. J’ouvre les yeux. Mes émeraudes te décèlent dans le lit. Le téléviseur projette sur ton visage, sur ton corps et sur les draps une lumière bleuâtre mouvante. L’ordinateur est ouvert et tu frappes les lettres une à une, rapidement, de ta main gauche, la droite tenant ouvert un volume d’Histoire. Ton pied caresse en un lent va et vient le coin du lit, laissant la lumière jouer sur ta peau blanche. Je quitte le fauteuil qui a accueilli nos ébats et te rejoint, prêt à recommencer. La douleur de ta morsure m’envahit à nouveau. Je grogne. Tu le ressens comme un appel. « Pas deux fois en une journée, Vlad, ça m’épuise… »

Je ne compte pas te mordre, ma blanche beauté. J’embrasse, sur ta gorge, la marque de ma dernière morsure.

« Vlad, ils ont fait des fouilles dans ton tombeau. Les os que m’avait donnés Matthias, c’était un cheval du néolithique. Si quelqu’un se doute de quelque chose, on va nous chercher.

-Je ne m’inquiète pas, Blanche. Quand quelqu’un nous trouve, on disparaît. Tu as réussi à nous cacher pendant des siècles. Et si ils attaquent, je te défendrai.

-Tuer ne nous aidera pas à rester discrets, Vlad.

-Si ils te touchent, je les égorge. Tu ne me feras pas changer d’avis.

-Je nous ferai disparaître avant.

-Comme toujours, ma chère. »

Nous ne disparaissons pas toujours à temps. Il arrive que je tue pour nous protéger. Je ne te le dis pas. Je ne te le montre pas. J’aime à présent tout ce qui porte ton nom ; ton être m’est un désir permanent, et un plaisir charnel et spirituel à chaque acquisition. Je ne peux qu’agir pour te préserver contre le temps et les hommes, me refusant à voir ta fin, ta perte. J’étais un chef guerrier, je suis chevalier servant, chevalier protecteur, un voïvode ne protégeant non plus sa terre et sa religion, mais une femme. Je suis Vlad Tepes Dracula, protecteur de Blanche, le calice à la beauté diaphane, depuis plus de cinq siècles.

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Aë : Merci à Lizzyie et Cricri The Badger d’avoir relu ^^

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Note de Lizzyie:

C'était un bel OS, le sujet des vampires et leurs calices est toujours fascinant.

J'ai beaucoup aimé, il n'était pas cucul mais pas non plus gentillet donc c'est très plaisant à lire.

Du bon travail :-)

Je, Vlad Tepes (OS)
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B
J'ai bien aimé la forme de l'histoire avec la chronologie.<br /> Très agréable à lire, ça change un peu des histoires habituelles.
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A
Eheheh ^^<br /> et je suis la vraie chronologie ^^'
M
J'ai juste adoré cette histoire ! Cette suite de moments datés rend l'histoire complète mais sans rentrer dans de grands détails. J'aime beaucoup la façon dont tu as raconté celle-ci. Et puis leur relation est fascinante. Les histoires vampire/calice sont de toute façon par définition fascinantes. J'espère que tu en referas d'autre à l'occasion. Merci pour cet OS très bien réalisé !
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A
Merci beaucoup ^^
Z
Originale, cette version de l'histoire de dracula. Je suppose que la gravure est une représentation de Vlad Tepes ?<br /> Merci pour cet OS !
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A
Oui, c'est un portrait relativement peu connu que j'aime bien ^^
C
ça change, plaisant à lire! Merci
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A
Merci à toi ^^
N
Sympa comme os !
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A
Merci ^^